4.3 - Les facteurs de terrain aggravant le risque
La configuration du terrain et la nature de la végétation sont des facteurs influant sur le déclenchement des avalanches. Si tout le monde sait que l'inclinaison d'une pente est en rapport direct avec le danger, moins connue est l'importance de la nature du sol et de son couvert végétal.
Avant de passer en revue les principaux facteurs de terrain qui augmentent le risque avalancheux n'ayons garde d'oublier que selon l'endroit où la victime est prise par une avalanche, les conséquences seront plus ou moins graves. Dans le bas d'un versant, elle pourra être recouverte par de grandes quantités de neige ou basculée dans un ravin. Dans la partie haute, la chute sera plus importante avec parfois des barres de rocher. Ces considérations ont leur valeur principalement sur le terrain.
Les facteurs de terrain défavorables que nous allons passer en revue peuvent intervenir en accentuant :
- la formation des conditions avalancheuses (effets du relief tels que : combes, cols, exposition au vent, au soleiL .. )
- le déclenchement de l'avalanche (rupture de pente, corniche ... )
- la gravité des conséquences de l'avalanche (rochers, barres, ravin, versant concave ... )
Dans certains accidents malheureux, c'est le concours de tous ces facteurs défavorables qui transforme une «coulée anodine» en une avalanche aux conséquences catastrophiques.
La fonne topographique de la pente sur laquelle on skie est à prendre en compte dans l'évaluation du risque d'avalanche. Ce risque ne sera d'ailleurs pas le même selon l'endroit (en haut, en bas ou au milieu) où vous vous trouvez. Par exemple, une pente convexe sera en général moins dangereuse qu'une pente concave qui concentrera le flot de neige et provoquera de fortes épaisseurs. De même, un immense versant unifonne et lisse sera plus à craindre qu'un flanc de montagne complexe et boisé.
Il existe une gamme de pentes propices au déclenchement des avalanches. En effet, les pentes trop raides (supérieures à 45° pour fixer les idées) se déchargent naturellement rapidement après une chute de neige, et sur les pentes trop faibles l'action de la pesanteur (composante dans l'axe de la pente) est généralement trop faible pour entraîner la rupture du manteau neigeux. On considère volontiers que les pentes inférieures à environ 25° sont rarement dangereuses.
Les Nord-Américains attachent beaucoup d'importance à ce paramètre angle de pente (slope angle), à tel point que tous les randonneurs à ski mesurent les pentes avec un inclinomètre très simple fabriqué à leur intention. Ronald Perla a même montré que les avalanches de plaque étaient principalement déclenchées sur des pentes comprises entre 30° et 45°, avec un maximum pour les pentes 35°-40°.
Comme nous l'avons vu à propos de la mécanique du déclenchement des avalanches (fiche n°1.3), la composante parallèle à la pente des forces de gravité augmente avec l'angle de la pente. Toute accentuation de la pente se traduit donc par une augmentation de la force qui tire la neige vers le bas (reptation accrue). Cette force est contrecarrée par la cohésion interne et les ancrages du manteau. A la rupture de pente, précisément, la cohésion diminue à cause des contraintes mécaniques engendrées par l'augmentation de la traction. Les ancrages sont donc plus fortement sollicités, entraînant une diminution de la stabilité du manteau neigeux avec comme conséquence une augmentation du risque d'avalanche.
On observe parfois aux changements de pente des fissures dans la neige qui visualisent fort bien les contraintes subies par la neige. Ces fissures peuvent prendre au printemps l'allure de véritables rimayes et ont déjà été à l'origine d'accidents.
On se méfiera des changements de pente, et on gardera en mémoire qu'une pente «qui plonge» signifie une probabilité de risque accrue. Nombreux sont les skieurs qui ont remarqué ce phénomène et qui l'ont intégré dans leur façon d'agir sur le terrain.
La couche de base du manteau est plus ou moins bien ancrée au sol en fonction de la nature même du terrain. Une pente glissante (schiste ardoisier par exemple), sera un bien meilleur plan de glissement pour la neige qu'un éboulis de taille moyenne (blocs de 10 à 20 cm). Seuls les blocs de très grande dimension seront à même de fixer l'ensemble du manteau neigeux. Comme bien des avalanches ne balayent pas la. neige jusqu'au sol, il ne faut pas accorder une valeur trop importante à la nature du sol. Néanmoins,pour les premières neiges, on se méfiera à juste titre de ce type de pente lisse.
Le couvert végétal peut avoir un rôle déterminant dans le déclenchement des avalanches. En effet, de longues herbes couchées par la reptation du manteau provoquent une très mauvaise liaison manteau-sol alors que des herbes rases accrocheront mieux la neige. Des buissons, comme les rhododendrons ou les vernes, se font lentement écraser par le poids de la neige au cours de l'hiver. Ils gardent des poches d'air qui diminuent d'autant les ancrages avec le sol. En outre, ces poches favorisent la création de gobelets en début de saison.
Il faut traiter séparément le cas de la forêt. Nous distinguerons les conifères à aiguilles permanentes (épicéas, sapins, pins ... ) des arbres qui perdent leurs feuilles (hêtres, bouleaux, chênes ... ) ou leurs aiguilles (mélèzes). Pour les arbres à feuilles caduques, le rôle de la forêt se réduit à celui d'un réseau de piquets épinglant la neige au sol. Cette action n'est malheureusement pas suffisante pour empêcher les avalanches de se déclencher. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de voir, dans les Alpes du Sud, des avalanches traverser les forêts de mélèzes.
En revanche, la forêt composée d'arbres à feuilles persistantes a un effet très positif au regard des avalanches. Le houppier (branches du haut de l'arbre) intercepte la neige, la conserve quelque temps (elle se transforme sous l'action des agents météorologiques extérieurs) et la restitue au manteau neigeux sous forme de paquets denses qui le poinçonnent. Cette action a pour résultat de créer un manteau hétérogène qui s'avère beaucoup plus stable que la neige d'origine. Ainsi, on pourra skier en plus grande sécurité, pendant les période critiques, à l'abri d'une telle forêt.
Les risques d'instabilité sont variables en fonction de l'exposition des pentes. Les pentes exposées au soleil (versants Sud) connaissent une évolution de la neige plus rapide que les versants Nord. Après une chute de neige, l'évolution sera plus rapide et elles se stabiliseront plus vite. Au printemps, ces pentes seront plus exposées aux avalanches de fonte en fin de journée.
Lès pentes Nord, quant à elles. sont plus froides et l'évolution de la neige est retardée. Du coup. le danger subsiste plus longtemps en hiver après une chute de neige.
Nous en avons longuement parlé dans la fiche n° 1.2. Les pentes sous le vent seront. comme nous le savons déjà. plus dangereuses. Mais des indices permettront de déterminer les zones à éviter.