4.1 - L'évaluation globale du risque d'accident
Quelles que soient les conditions générales de la montagne, il est toujours souhaitable de réfléchir à l'évaluation globale du risque d'accident d'avalanche. Cette analyse est encore plus nécessaire lorsque les conditions de neige sont critiques.
AVANT DE PARTIR Evaluation des conditions nivo-météorologiques SUR LE TERRAIN La neige est moins stable que prévu La difficulté de la course a été sous-estimée |
Les facteurs qui interviennent pour créer le risque d'accident d'avalanche peuvent se regrouper en trois grands domaines : la neige, le terrain et les hommes. Nous allons étudier tour à tour les facteurs nivologiques (fiche n° 4.2), les facteurs de terrain qui accentuentle danger (fiche n° 4.3), et les facteurs humains qui se surajoutent parfois négativement.
Lorsqu'un accident survient, il est rarement dû à une cause unique et simple. Si une avalanche se produit naturellement, il y a accident si et seulement si un skieur est sur sa trajectoire. Les accidents qualifiés d'»imprévisiblesll (quel que soit le secteur dans lequel ils arrivent, aéronautique, marine, industrie ... ) sont provoqués bien souvent par la conjonction de plusieurs facteurs jugés indépendants à très faible probabilité d'occurence. On parle volontiers de fact.eurs impondérables. Et on peut ajouter que plus un domaine est «sûr» (aérospatial ou nucléaire), plus le nombre d'«impondérables» qui entrent enjeu en cas d'accident. est grand.
Pour les accidents de montagne, entre autres les accidents d'avalanche, une analyse saine de la situation (neige, terrain, hommes) permet de cerner les situations à risque et de réduire les probabilités d'accident. C'est souvent l'ignorance qui est à l'origine des drames. Et pourtant l'homme a de plus en plus d'informations à sa disposition pour se faire une idée saine de la situation. Ce qui hier encore apparaissait inexplicable (évolution de la neige par exemple) est aujourd'hui mieux connu et un peu plus maîtrisé. L'analyse des risques et des dangers s'affine lentement et la fourchette d'incertitude (dans laquelle évoluent ces fameux impondérables) devient plus étroite. Et pourtant, on sait que beaucoup d'accidents ont lieu a cause d'une erreur de jugement. En effet, si le savoir se transmet, l'expérience, elle, ne se transmet pas. Et les mêmes erreurs se perpétuent de génération en génération.
Voici quelques éléments objectifs d'analyse qui sont à notre disposition et qui peuvent être passés en revue avant de partir et au cours de la sortie sur le terrain.
AVANT DE PARTIR
On a toujours intérêt à perdre un peu de temps avant de partir, pour vérifier que l'on a bien pris tout ce qui est nécessaire à la sortie et aussi pour réfléchir aux conditions du moment (météo, neige, risque d'avalanche, matériel, équipe, horaire .... ).
Evaluation des conditions nivo-météorologiques
Cette évaluation se fera à partir de plusieurs sources données météo (sur répondeurs ou publiées), état du manteau neigeux en fonction de l'hiver, des évolutions récentes (chutes de neige, action du vent, réchauffement ... ) ou des évolutions prévues par le bulletin météo, informations récentes observées par soi-même ou d'autres.
Une étude minutieuse sur carte si on ne connaît pas le terrain ou la mémorisation de la course si on est un familier du lieu permettront de localiser les points les plus critiques au niveau sécurité. On s'attachera à bien repérer les pentes (orientation et altitude) avec en arrière-pensée les possibilités d'accumulation de neige et les plaques à vent qui ont pu être engendrées les jours précédents par le vent. Pour la descente, on tiendra toujours compte de l'heure en prenant une marge par rapport à l'horaire escompté (horaire qui tient compte du nombre et de la qualité des skieurs).
C'est parfois la tâche la plus difficile. Dans le cadre de l'activité normale d'un garde-moniteur, le problème est résolu d'avance. Mais si celui-ci doit conduire un groupe. il lui faut alors faire une bonne évaluation du potentiel de ses troupes, potentiel qui peut varier très fortement en fonction des conditions climatiques et de la fatigue non pas générale, mais du plus faible. Avant de partir, c'est bien souvent une évaluation optimiste qui est faite, et qui doit être révisée à la baisse pendant la course.
SUR LE TERRAIN
En course, il faut en permanence confronter les «données de terrain» (conditions rencontrées) avec l'idée préconçue que l'analyse globale des conditions avait fait naître dans votre cerveau de stratège. La manière de guider la course (stratégie établie intuitivement ou bâtie avec science) devra tenir compte de cette confrontation et incorporera tous les nouveaux éléments issus du terrain. Voici les facteurs les plus courants dont il faudra tenir compte.
Si le mauvais temps est général, il aura été annoncé par la prévision météorologique que vous n'aurez pas manqué de consulter (néanmoins il arrive parfois que nos collègues de la météo .... ). Si le mauvais temps est local, il sera tout aussi désagréable même si il est de courte durée. On redoutera avec raison :
- le brouillard, qui accentuera les problèmes d'orientation et décuplera le danger des barres de rocher soudainement devenues invisibles.
- le vent, dont l'effet refroidissant sur l'organisme est fonction de sa vitesse et, bien sûr, de l'habillement. Sa violence peut parfois gêner la progression, surtout sur des arêtes ou au débouché d'un col. De plus, il peut générer très rapidement des plaques à vent.
- les précipitations qui seront la plupart du temps sous forme de neige ce qui a l'avantage de ne pas vous tremper mais l'inconvénient d'effacer les traces qui sont, en l'occurence bien précieuses.
La neige est moins stable que prévu
Votre estimation (ou celle du bulletin) de la stabilité du manteau neigeux était un peu optimiste. Sur place, vous vous rendez compte que le passage est plus exposé que prévu. Selon que vous êtes à la montée ou à la descente, votre tactique sera différente (voir fiche n° 4.4). Dans certain cas ce sera une modification parfois conséquente de l'itinéraire, dans d'autres le demi-tour.
La difficulté de la course a été sous-estimée
On peut, avec beaucoup de facilité d'ailleurs, se tromper sur la difficulté globale d'une course, ou sur la difficulté d'un passage (même en le connaissant bien). Il suffit que la neige soit collante pour multiplier par deux l'horaire. Tel passage habituellement délicat peut devenir dangereux (pente gelée. rochers émergeant de la neige, coulée d'avalanche sur l'itinéraire ... ) et il faut réagir rapidement. La décision n'appartient qu'à vous. En fonction des éléments qui constituent les données du problème, vous prendrez la décision qui vous semblera la plus judicieuse.
L'horaire n'a pas été respecté
C'est un cas assez courant quand on emmène en course des néophytes. En général, on fait demi-tour avant le sommet et la neige est infecte pour la descente. On se méfiera surtout des coulées de neige humide, des traversées de couloirs dangereux (bien estimer leur ampleur et prendre les précautions qui s'imposent, voir fiche n° 5.2) et on ne fera jamais forcer l'allure à la descente à un skieur fatigué. Il vaut mieux arriver une demi-heure plus tard que d'avoir à redescendre une jambe cassée.
Un des participants est très fatigué
On se trouve à peu près dans le cas de figure précédent. Afin de ne pas exposer inutilement tout le groupe, on aura intérêt à faire deux sous-groupes, un qui redescend normalement, l'autre qui accompagne et soulage la personne fatiguée (trace de descente aménagée, pas de sac à porter).