1.1 - Le matériau neige et son évolution



En langage esquimau, il existe de nombreux termes pour qualifier la neige. En effet, il est -ou plutôt il était- primordial pour les peuples du Grand Nord de différencier la neige poudreuse de la neige tassée par le vent, la neige fondante de la neige solidifiée par le gel.

 

D'OU VIENT LA NEIGE ?

LE MANTEAU NEIGEUX

LES TROIS MÉTAMORPHOSES

Pour en savoir plus


Pour nous, occidentaux, le même mot recouvre une grande diversité de matériaux dont les caractéristiques physiques peuvent être fort différentes. Ceci engendre bien souvent une certaine confusion qui ne facilite pas la compréhension des phénomènes complexes qui affectent l'évolution du manteau neigeux. Dans un langage imagé, on peut parler de la «vie de la neige», vie qui traduit les importantes évolutions qui transforment les cristaux de neige dès leur chute. Il ne faut pas oublier qu'un de ces gros grains ( de fonte) qui compose la neige de printemps concentre la matière de quelques milliers d'étoiles constituant par exemple, une chute de neige hivernale.

D'OU VIENT LA NEIGE ?

Les grands plans d'eau du globe (mers et lacs), perdent chaque jour des millions de tonnes de matière par évaporation. Cette vapeur d'eau qui est invisible, se rassemble dans l'atmosphère et crée, par condensation les nuages. Les nuages ne sont pas formés de vapeur d'eau (sinon ils seraient invisibles ), mais ils sont constitués de micro-gouttelettes d'eau. Il est bien connu que la température diminue avec l'altitude, jusqu'à des valeurs très basses inférieures à -500 Celsius. Curieusement, l'eau des nuages ne gèle pas dès qu'elle se trouve en dessous de zéro degré.

On observe un retard à la congélation; on appelle «surfusion. cet état où l'eau est encore liquide bien en dessous de ooe. Le décalage en température peut être fort important puisqu'à -25° C sont encore observées des gouttelettes d'eau et non des glaçons. A une température encore plus basse, la congélation se déclenche. le genne du cristal étant une impureté existant dans le nuage. Ces impuretés sont généralement des ions (sodium, chlorure ou autre) ou des pollens ou encore de minuscules particules étrangères. Dès que le processus est enclenché, l'eau liquide qui est disponible alentour se condense sur le genne en fonnant un cristal de glace. La physique des cristaux ou Cristallographie nous apprend que la glace cristallise toujours dans le système hexagonal: tous les cristaux de glace (et de neige) auront une symétrie d'ordre six. En fonction principalement de l'humidité et de la température, des étoiles. des plaquettes, des aiguilles ou des cristaux plus complexes vont naître dans le nuage.

On parle de neige et non de glace car l'architecture de ces cristaux comporte beaucoup de vide et il s'agit d'un mélange de glace et d'air. De plus, au cours de leur chute vers le sol, ces cristaux s'enchevêtrent et forment des flocons.

Quelques cristraux de neige courants

LE MANTEAU NEIGEUX

Ces flocons de neige dont nous venons de voir la genèse forment au sol une couche de neige. L'ensemble des couches successives forment ce que les nivologues appellent poétiquement le manteau neigeux. C'est une espèce de vaste mille-feuille dont la consistance et la stabilité vont dépendre des ingrédients qui le composent.

Les mesures nivologiques ont pour rôle de découvrir les paramètres caractéristiques (nature des cristaux de neige, température, humidité, densité, résistance .... ) de chaque couche du manteau neigeux.

Au cours du temps, ces paramètres vont sans cesse évoluer, modifiant en permanence la structure intime de la neige. Les cristaux se transforment et les spécialistes parlent des métamorphoses de la neige.

LES TROIS MÉTAMORPHOSES

Nous n'allons donner ici que les grandes lignes de cette «vie de la neige». Pour plus de détails, le lecteur intéressé se reportera aux quelques publications spécialisées existant en la matière et listées en fin de fiche.

La neige provient des nuages sous forme d'étoiles dans la plupart des cas (enchevêtrées en flocons) ou plus rarement sous forme d'aiguilles ou de plaquettes. Elle s'accumule au sol en une couche de neige qui peut être modifiée par le vent. (Nous verrons dans la fiche n°1.2 l'influence du vent qui modifie la nature de la neige pendant son dépôt ainsi que sa transformation).

Pour avoir des idées simples et claires sur les métamorphoses qui affectent la neige, il faut se rappeler qu'il existe 3 types de métamorphoses faisant évoluer la neige dans le temps : la métamorphose de déstructuration ou d'isothermie, la métamorphose de restructuration ou de gradient, et la métamorphose de fonte.

La métamorphose d 'lsothermie

Dès son arrivée au sol, la neige va se dénaturer; elle subit une métamorphose que nous pourrions appeler de vieillissement : la neige fraîche va se tasser, expulsant l'air qu'elle contient. Son épaisseur diminue et sa densité augmente; les branches des cristaux de neige se brisent, entraînant une diminution de la cohésion (de feutrage). La neige ne tient plus alors sur des pentes quasi verticales et glisse au sol. Pour le nivologue, les cristaux passent de l'état de «neige fraîche» à celui de «particules reconnaissables». Cette évolution naturelle est fortement accélérée par une élévation de la température ambiante.
Au fil des jours, cette neige composée de particules reconnaissables continue d'évoluer. Bien souvent, la température est à peu près uniforme dans le manteau neigeux et lentement les particules reconnaissables se résorbent, la matière se concentrant en grains fins et ronds. Ce lent processus s'appelle la «métamorphose d'isothermie» et donne des couches homogènes, compactes et stables de «grains fins».

La métamorphose de gradient

A l'opposé de la précédente métamorphose qui stabilise la neige, la métamorphose de gradient va générer une couche de faible cohésion, donc dangereuse quant aux avalanches. On assiste à une restructuration des cristaux - particules reconnaissables ou grains fins - qui deviennent, jour après jour, des grains anguleux, puis des «gobelets». Cette évolution nécessite une longue période de temps beau et froid ainsi qu'un manteau neigeux de faible épaisseur. Le moteur de cette transfonnation de la neige est la différence de température existant entre le haut du manteau neigeux et le bas de la couche. Celui-ci est généralement à zéro degré à cause du flux géothennique (la fuite thermique de la terre) qui provoque pendant tout l'hiver une faible fonte au sol. Pendant les nuits claires d'hiver, la surface de la neige perd par rayonnement thennique infra-rouge une quantité d'énergie supérieure à celle reçue du soleil pendant lajournée. Le bilan thermique est donc négatif et la neige se refroidit. On comprend ainsi pourquoi la température de la neige peut être, pendant les belles périodes froides de l'hiver, notablement plus basse que la température de l'air. C'est un fait connu des skieurs de fond.

On admet classiquement qu'un gradient de 0,2°/ cm (soit 20°C pour un mètre ou 10°C pour 50 cm de neige) est nécessaire pour que des cristaux en gobelet fassent leur apparition. Leur processus de fabrication peut se schématiser ainsi : sur une verticale, la différence de température provoque la sublimation du sommet d'un grain de neige: cette vapeur vient se condenser sous forme d'une petite strate de glace à la base du grain situéjuste au dessus. L'alternance des strates traduit la succession des conditions favorables à ce processus. Ces cristaux ont parfois la forme de pyramides creuses inversées, d'où leur nom de «gobelets» (cup cristal).

La métamorphose de fonte

C'est généralement le stade ultime de la neige lorsque la chaleur printanière est suffisante pour faire disparaître.le manteau neigeux. Durant la journée, le rayonnement solaire fait fondre la neige qui est alors à 0°C et retient de l'eau liquide. Pendant la nuit, le froid va geler le manteau humide. Les cristaux grossissent par incorporation de l'eau disponible. On observe que les gros cristaux se développent préférentiellement au détriment des petits qui disparaissent. Cette neige, qui est celle des névés ou celle que les skieurs connaissent sous le nom de «neige de printemps», est formée de «gros grains» ou «grains de fonte». Sa densité est forte, avoisinant les 500 kg/m3. soit la moitié de celle de l'eau.

Pour en savoir plus

on consultera utilement l'ouvrage très complet (215 pages dactylographiées) de Laurent REY du Centre d'Etudes de la Neige (Météorologie Nationale) publié par l'ANENA, LA NEIGE, SES METAMORPHOSES, LES AVALANCHES. Une présentation succincte (une dizaine de pages) se trouve dans «NEIGE et AVALANCHES» de F. VALLA. publié par la Division Nivologie du CEMAGREF de Grenoble. Pour une présentation visuelle consulter la série de 40 diapositives publiées par l'ANENA et le CRDP de Grenoble, «Les AVAlANCHES» ou l'exposition du même nom (ANENA-TEC).

Le lecteur qui voudrait consulter des articles spécialisés se reportera aux publications suivantes :

  • les métamorphoses de la neige, E. PAHAUT, «Neige et Avalanches» n° 11, juin 1975, pages 64-82
  • les cristaux de neige, formation, E. PAHAUT, «N. et A.» n° 23, juin 1980 p. 3-32
  • les cristaux de neige, évolution, E. PAHAUT et D. MARBOUTY, «N. et A.» n° 25, avril 1981, p. 3-42
  • la neige, propriétés physiques, D. MARBOU1Y, «N. et A.» n° 30, mars 1983, p. 2-31